D’étudiant à astronaute : développer les habiletés pour appréhender le monde

L’astronaute canadien David Saint-Jacques regarde à notre gauche en souriant et en faisant le signe du pouce levé. Il porte une combinaison spatiale de cosmonaute russe Sokol KV2, sans les gants et avec la visière de casque relevée.
(Source de l'image : NASA/Aubrey Gemignani)

Les étudiantes et étudiants de niveau postsecondaire et les chercheuses et chercheurs postdoctoraux jouent un rôle crucial dans l’écosystème de recherche canadien en repoussant les frontières du savoir. Le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) croit fermement que leurs découvertes et leurs innovations contribuent à faire du Canada un pays plus sain, plus équitable et plus prospère.

Ayant lui-même reçu l’appui du CRSNG lorsqu’il était étudiant et jeune chercheur, l’astronaute canadien David Saint-Jacques a accepté de s’entretenir avec nous pour parler de son parcours universitaire et professionnel. Le Dr Saint-Jacques nous a fait part de sa manière d’appréhender le monde, des compétences qu’il a acquises lorsqu’il était étudiant et qu’il met à profit aujourd’hui encore ainsi que de ses meilleurs conseils pour les étudiantes et étudiants qui souhaitent faire carrière dans le domaine de l’aérospatiale.

Docteur Saint-Jacques, pouvez-vous nous donner un aperçu du parcours universitaire et professionnel qui vous a mené à participer à la plus longue mission spatiale à ce jour pour un astronaute canadien?

À la base, je suis ingénieur comme mon père et mon grand-père. C’est un peu le fondement de mon cheminement et de ma manière d’aborder le monde. J’ai étudié en génie physique à Polytechnique Montréal à la fin des années 1990, puis j’ai travaillé comme ingénieur de conception dans le domaine biomédical pour une PME québécoise à Paris. J’ai d’ailleurs obtenu plusieurs bourses du CRSNG qui m’ont permis de travailler l’été en recherche appliquée pendant mes études.

À la fin de mon baccalauréat, j’ai obtenu une bourse d’études supérieures du CRSNG qui m’a permis d’aller étudier à l’étranger. On pouvait différer la bourse pour travailler. C’est ce que j’ai fait et je suis revenu aux études environ un an plus tard. J’ai fait un doctorat en astrophysique à l’université de Cambridge grâce à l’appui du CRSNG. C’était peut-être un signe de ce qui allait suivre, car j’ai même obtenu un supplément de bourse de l’Agence spatiale canadienne! Par la suite, j’ai travaillé comme astronome pendant quelques années au Japon pendant un postdoctorat, puis ici à Montréal.

J’ai fait ensuite un retour aux études en médecine à l’Université Laval et j’ai fait ma résidence à McGill. J’ai travaillé comme médecin à l’échelle du Québec. Plus tard, j’ai soumis ma candidature dans le cadre de la troisième campagne de recrutement du programme spatial de l’Agence spatiale canadienne. De fil en aiguille, c’est ce qui m’a mené à bord d’une fusée Soyouz à destination de la Station spatiale internationale où j’ai passé 6 mois, de décembre 2018 à juin 2019.

Une partie intégrante du succès de la recherche au Canada vient du soutien apporté aux étudiantes et aux étudiants. Le CRSNG a eu l’honneur de vous appuyer pendant vos études en génie et en astrophysique par l’entremise des bourses que vous avez mentionnées. Quelle importance l’appui du CRSNG a-t-il eu au cours de votre carrière?

Sans ces bourses, je n’aurais probablement pas pu avoir des emplois d’été dans mon domaine d’étude en génie. Quant aux bourses d’études supérieures du CRSNG que j’ai reçues, elles m’ont permis d’aller à l’étranger, ce qui est toujours beaucoup plus cher que de rester au Canada. Je suis allé dans une université bien déterminée pour étudier quelque chose de précis grâce à la flexibilité que cette bourse offrait.

C’est toujours un gros fardeau d’achever ses études, d’organiser le financement, alors cela donne une immense latitude d’avoir une bourse qui vient avec beaucoup de liberté.

Y a-t-il des habiletés et des connaissances que vous avez acquises en tant qu’étudiant qui ont été mises à profit dans votre vie quotidienne ou lors de votre mission spatiale?

Tous les astronautes sont ingénieurs ou ils pensent comme des ingénieurs. C’est le genre de perspective sur le monde qui est requise, un mélange de compréhension théorique de l’univers matériel et un esprit pratique. Du côté de l’apprentissage, je pense que mes années en tant que chercheur m’ont donné une certaine confiance : si je m’attèle à la tâche, je suis capable de comprendre pas mal de choses. Cela m’a convaincu que même si c’est compliqué ou intimidant, quand tu t’y mets, il y a moyen d’aller au fond des choses.

C’est un peu cela l’idée de faire un doctorat. C’est comme un permis de conduire pour le milieu universitaire : tu démontres que tu es capable de t’attaquer à un problème que personne n’a jamais résolu. Cela donne confiance en soi d’être capable, à priori, de s’atteler à n’importe quelle tâche intellectuelle. Il n’y a qu’à y mettre les efforts. Cette confiance, je pense qu’elle vient en partie d’avoir fait des études avancées.

On vous connait bien comme astronaute, mais aussi comme fervent communicateur scientifique auprès de la jeune population canadienne. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vos activités de sensibilisation aux STIM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques), puis sur votre passion pour la communication scientifique?

De l’intérieur, ce n’est pas comme cela que je le vis. J’ai besoin de partager mon expérience. L’entrainement d’astronaute, l’expérience d’une mission spatiale et surtout la perspective que tout cela donne sur notre planète, sur notre vie sur Terre, je ne peux pas garder cela pour moi-même. C’est tellement exceptionnel!

Chaque fois que je parle en public, je garde en tête le double message que je veux transmettre : les questions environnementales et les immenses problèmes géopolitiques auxquels nous sommes confrontés sont graves, mais ils ne sont pas insurmontables. L’exploration spatiale nous donne à la fois une perspective sur notre « maison » qui flotte au milieu de nulle part, mais aussi l’obligation de trouver des solutions. C’est facile d’être angoissé avec ce qui se passe sur Terre; c’est pourquoi je pense que l’exploration spatiale internationale est une démonstration rassurante que les humains sont capables de travailler ensemble et d’accomplir des choses surhumaines.

J’aime les sciences et la technologie, donc j’aime en parler. Je pense toutefois qu’il y a moyen de contribuer en faisant autre chose aussi. L’humanité avance grâce aux sciences, mais aussi grâce aux arts, grâce à l’exploration, alors il y a de la place pour tout le monde! Moi, j’ai dans mon cœur une place particulière pour les sciences et la technologie. Je m’y suis toujours intéressé. C’est mon passetemps; c’est comme cela que j’appréhende le monde. De nos jours, les sciences et la technologie ont tellement pris d’importance. Tout le monde se doit d’en avoir au moins une connaissance générale. Je me donne donc le défi de comprendre des concepts scientifiques pour ensuite pouvoir les expliquer.

Avez-vous des conseils à donner aux étudiantes et étudiants qui désirent faire carrière dans le secteur aérospatial?

Être astronaute est le rêve de beaucoup de gens. Moi-même, quand j’étais jeune, j’étais intrigué, mais je ne savais pas comment on s’y prenait. En devenant astronaute, j’ai observé quelques trucs que tous les astronautes ont en commun.

D’abord, on n’étudie pas d’entrée de jeu pour devenir astronaute; c’est toujours une deuxième ou une troisième carrière. Les astronautes sont des gens qui excellent dans leur première carrière. Et la seule manière de se rendre aussi loin, c’est de faire quelque chose qu’on adore. Il ne faut pas chercher un chemin direct; il faut d’abord trouver le bonheur dans sa vie professionnelle.

Ensuite, les astronautes sont tous des gens en bonne santé et en bonne forme physique. Il faut faire attention à son corps. Peu importe ce que nous voulons faire dans la vie, peu importe notre rêve, il est certain que nous avons besoin de notre corps pour l’accomplir. Je pense que tout le monde a intérêt à avoir du respect pour son corps.

Enfin, les astronautes sont des gens dignes de confiance. En fait, nous sommes habitués à prendre des responsabilités, à tenir nos engagements et à effectuer des tâches pratiques, pas seulement à utiliser notre savoir intellectuel. C’est simple comme faire de l’escalade ou de la voile. Il y a quelque chose de concret en jeu, et d’autres gens dépendent de de ce que nous faisons. Quand on se trouve dans un environnement où on doit prendre des décisions sans avoir toute l’information, il faut les prendre rapidement et vivre avec les conséquences. L’art de prendre des décisions est une habileté qu’il faut exercer et maintenir. C’est sans doute ce qui est, à mon avis, le plus important.

À quel type de carrière peut-on aspirer dans le secteur aérospatial?

Je vois le secteur aérospatial comme un milieu où on peut mettre en application des connaissances dans un domaine qu’on aime. L’important est de trouver quelque chose qui nous intéresse. Pour avoir du succès, il faut certainement travailler fort, mais il faut surtout trouver quelque chose qui fondamentalement nous passionne. Il peut s’agir du génie, des sciences, des mathématiques, de la gestion. Dans le secteur aérospatial, il y a des gens qui viennent de tous les domaines.

Il faut aussi élargir notre perspective. Le domaine aérospatial est planétaire. Il ne faut pas avoir peur de sortir de sa bulle pour s’y épanouir. Ce qui est particulier dans ce domaine est qu’il s’agit souvent de gros projets à grande échelle où il y a une composante gouvernementale et internationale. C’est un aspect intéressant du travail, qui est un drôle d’hybride : l’employé idéal est à la fois ingénieur et gestionnaire. Il ou elle est capable de communiquer efficacement et de comprendre le fonctionnement du gouvernement. C’est un beau milieu et un domaine multidisciplinaire en pleine croissance. C’est un beau rêve à avoir!

J’ai maintenant un peu un rôle de mentor à l’Agence spatiale canadienne, alors je travaille constamment avec de jeunes ingénieurs débutants ou des étudiants en stage. C’est une manière de recruter, mais aussi d’assurer la relève. En ce moment, nous travaillons, par exemple, sur des projets comme les véhicules que le Canada fournira pour l’exploration lunaire dans une dizaine d’années et qui rouleront encore dans 30 ans. Il y a tellement de projets à long terme dans le secteur aérospatial que le recrutement est l’une de nos préoccupations. Nous nous demandons comment faire pour qu’un jeune qui a aujourd’hui 12 ans choisisse plus tard de devenir ingénieur et d’étudier le bon domaine. Les étudiants, c’est notre principale ressource!

Cette entrevue a été révisée pour plus de concision et de clarté.

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